« Dans ce pays, (…), sans savants, sans traditions savantes et même sans livres »
Ainsi s’exprime le président de la société historique algérienne (coloniale) lors de la séance inaugurale de l’assemblée générale de la société, le 23 avril 1863.
Au moment ou A.Berbrugger prononçait ces paroles, il existait au fin fond de la Kabylie une bibliothèque fonctionnelle de plus de (300) titres, dont beaucoup étaient concéderais par les orientalistes de l’époque comme « excessivement rare », « très précieux » ou « seul exemple ». Tous les domaines du savoir y étaient représentés par les auteurs (du monde musulman) les plus classique de l’époque.

Tala uzrar, sud-est de la Kabylie


Ce petit village isolé est encore de nos jours sans eau courante et sans électricité. Il y a de cela plus de 150 ans, le jeune Lmuhub y revient après sept années d’études à la prestigieuse Timãemmert de ccix Ahhedad (détruite par l’armée française après l’insurrection de 1871), pour est perpétuer l’action de ses ancêtres et y constituer l’un des fonds documentaires les plus importants du Maghreb. 
De l’Andalousie à l’Extrême orient et du 9 ème au 19 ème siècle, la diversité des origines des auteurs (et des périodes de rédaction des ouvrages) est un bon indicateur de l’étendue des connaissances qui étaient alors à la disposition des érudits. En particulier, les écrits des auteurs de Kabylie permettent d’avoir une idée assez précise du niveau du milieu intellectuel de la région.
En plus des vingt trois disciplines répertoriées, la bibliothèque comprend des ouvrages divers (copies du Corant, voyage, éducation sexuelle, pratique de la correspondance, confection de manuscrits,…). Les écrit de langue berbère et les traités de mathématique (algèbre, science du calcul, géométrie, science des héritages, astronomie, astrologie) sont probablement les joyeux de la collection. 
Par ailleurs de nombreux documents permettent d’effectuer une véritable incursion dans le 19 éme siècle : pactes d’héritages, actes notariés, Waqf, état-civil, correspondance, textes de khotba, pactes de réconciliation,…
Des dizaines de témoignages répertoriés donnent des informations précises relatives à l’histoire locale (insurrection de 1871, famine de 1877, épidémie de 1753, arrivée des criquets en 1850, prix des produits, technique de calcul, …) et permettent de reconstituer le milieu intellectuel de l’époque.
A tout cela, il faut ajouter le recueil de plusieurs objets en rapport avec bibliothèque : Afniq (coffre en bois), Leqlam uanim (roseau de bambou), Talwaht (planche), Ssmex (encre), … 
La khizana (bibliothèque) de ccix lmuhub a été incendiée en 1957 par le pouvoir colonial. Parqué dans un camp, son héritier lmehdi, demanda à sa bru de « sauver ses livres ». Zahira transporta alors les manuscrits restants sur son dos et ira les « enterrer » loin d’Axxam Udellas.
Ce n’est qu’en 1994 que les manuscrits, dans un état de détérioration très avancé, sans ramenés à Bejaia par l’association GEHIMAB (en accord avec la famille Ulahbib) pour y être reconstitués (le plus souvent feuillet par feuillet), restaurés, répertoriés et analysés dans le cadre de projets internationaux. Ils sont aujourd’hui regroupés au sein de la COLLECTION ULAHBIB. Le catalogue de cette collection est divulgué en avant-première dans l’exposition Afniq n ccix Lmuhub. La bibliothèque y est présentée dans son environnement naturel : le petit village kabyle de Tala Uzrar (la source aux galets) ou elle a été constituée, ouvrage par ouvrage, au fil des ans.
« Mes ouvrages (…) rédigés, copiés ou achetés (…) doivent servir à ceux qui possèdent des connaissances et ceux qui recherchent le savoir » écrivait Ccix Lmuhub en 1852. « J’interdit tout ajout ou rature ! ».
Que ta volonté soit faite !